Le nom signé : Un élément clé de la langue des signes et la culture sourde

Un monsieur signe le mot "nom" en guise de nom signe en LSQ / A man is signing 'name' as in sign name in ASL

Le nom signé, soit la manière dont les Sourds se désignent les uns, les autres, fait partie intégrante de la langue des signes et de la culture sourde. On en retrouve aussi chez certains entendants, soit parce que ces derniers font partie de la famille, qu’ils travaillent dans la communauté sourde ou simplement parce que ce sont des personnalités publiques connues auxquelles les Sourds vont faire référence dans divers domaines, dont politique, sportif, religieux, artistique, et historique, entre autres. 

Comment les noms signés sont-ils créés ?

D’abord, seuls les Sourds peuvent attribuer un nom signé. Comme personne entendante, vous ne pouvez pas en créer, ni pour vous ni pour vos collègues. Le nom signé n’est pas utilisé en présence de la personne pour s’adresser directement à elle. On l’emploie plutôt pour faire référence à quelqu’un qui n’est pas présent.  Les noms signés peuvent se construire de différentes façons, mais ils ont généralement en commun ceci : ils font référence à une caractéristique de la personne nommée :  

  • L’aspect physique (incluant la coiffure, le vêtement et les accessoires)  
    Ex. : [nez-en-trompette], [cheveux-frisés], [tresse] 
  • Une habitude, un tic ou une caractéristique morale
    Ex : [se-passe-la-main-dans-les-cheveux], [souriante], etc.
     
  • Toute autre particularité (la profession ou la profession des parents, l’origine sociale, une anecdote propre à la personne, etc.) 

Ces noms créés à partir d’une caractéristique sont considérés par les Sourds comme plus « authentiques ». Ce sont des noms métonymes (une partie représente le tout), mais il existe d’autres procédés, qui reflètent le contact avec le monde des entendants : 

  • Les noms traductions (noms représentant la traduction d’un patronyme)
    Ex. : BLANC pour désigner une personne dont le nom de famille est « Leblanc ») 
  • Les noms alphabétiques (utilisation de l’épellation digitale et de l’initialisation)
    Ex. : I pour Isabelle 
  • Les noms hybrides (combinaison de l’initialisation et d’un attribut)
    Ex. : C + grands cils 
  • Les noms en prêt-à-porter (nom évoquant un attribut d’un personnage connu ayant porté le même prénom ou le même nom de famille)
    Ex. : [cicatrice] pour désigner une personne dont le nom de famille est Bélanger (en référence à un frère qui enseignait à l’Institution des Sourds-Muets à Montréal) 

La langue des signes évolue, les noms signés aussi

Une personne peut avoir quelques noms signés, car celle-ci évolue au courant de sa vie, fréquente différents milieux (famille, école, travail, etc.), peut changer ses habitudes, etc. Autrefois, dans les pensionnats et écoles pour les personnes sourdes, les noms signés correspondaient parfois à des numéros. Il s’agissait par exemple du même numéro que celui qui leur était attribué à leur arrivée (numéro de chandail, de casier, etc.). Le nom signé ne représente ni un prénom ni un nom de famille : c’est un tout. Il n’est pas non plus porteur d’une identité sexuelle.  

Avez-vous le vôtre?

Il est très probable que les personnes sourdes que vous côtoierez vous demanderont quel est votre nom signé. Vous n’en avez pas encore? Pas de panique… cela viendra tôt ou tard. S’impliquer dans la communauté, adopter une attitude respectueuse, et côtoyer des personnes sourdes est une excellente façon non seulement d’apprendre à découvrir la culture sourde et d’améliorer vos compétences en LSQ, mais aussi de laisser la chance aux Sourds de mieux vous connaître et de pouvoir éventuellement vous attribuer le (ou les) vôtre(s)! 

Fait intéressant : Les règles grammaticales des noms signés varient d’une langue des signes à l’autre

Saviez-vous que chaque langue des signes possède ses propres règles grammaticales ? Par exemple, en LSQ, l’utilisation de l’alphabet manuel est généralement évitée, et une règle non écrite encourage la création d’un signe lorsqu’un mot ou une expression n’existe pas encore. En revanche, en ASL, on a davantage tendance à recourir à l’alphabet manuel dans ces situations. Bien que ces langues partagent plusieurs règles grammaticales similaires, ces différences soulignent leur identité distincte, et il en va de même pour les noms signés.

En ASL, un nom signé arbitraire représente l’initiale du prénom, du deuxième prénom ou du nom de famille écrit et est généralement produit à un endroit spécifique, comme le dessus d’une main. En LSQ, ce type de règle n’existe tout simplement pas : les noms signés sont majoritairement liés au caractère, au nom ou à une habitude de la personne, pour ne citer que quelques exemples.

Intéressant, n’est-ce pas ?

 

Références